La Diagonale des Autres - Épisode 6 - pourquoi courir autant
S01:E06

La Diagonale des Autres - Épisode 6 - pourquoi courir autant

Episode description

Dans cet épisode, je vous raconte comment je me suis moi-même mise à la course à pied alors que je n’aime pas spécialement courir… simplement pour essayer de comprendre mon entourage de trailers.

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Coucou Loïc, pourquoi ce message ? Parce qu'on a appris récemment que tu avais fait le choix,

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donc j'insiste sur le fait que personne ne t'a forcé d'aller courir quelques kilomètres sur 2-3

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jours. Avec Axel, on s'est posé la question de savoir quelle était cette motivation qui t'avait

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poussé. On peut parler d'exploit. Généralement, on a donné la faculté de courir à l'être humain essentiellement pour fuir

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les animaux dangereux. Et fuir des animaux dangereux pendant trois jours,

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à part si tu étais peut-être en Australie ou au centre de l'Amazonie,

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ce qui n'est absolument pas le cas. En fait, je te le dis,

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tu n'es pas obligé de courir pendant trois jours.

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J'insiste, mais apparemment, tu as fait ce choix.

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Oui, c'est vrai. C'est vrai, courir, c'est déjà...

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Mais pourquoi courir autant ? L'extrait que vous venez d'entendre est un des nombreux messages d'encouragement que Loïc

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a reçus lors de la diagonale de l'année dernière.

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Et beaucoup d'entre eux ont en point commun d'aborder,

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comment dire ça délicatement, la pertinence de l'exercice.

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Un sujet qui, vous le savez, m'interroge aussi. Et comme j'aime bien comprendre les choses,

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j'ai commencé à me documenter sur cette pratique et ce milieu qui ne me sont pas totalement

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étrangers, mais un peu quand même. En dehors de mes vagues souvenirs d'enfance où je revois mon père partir faire ce qu'on appelait

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alors du footing et se lancer dans des marathons,

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Je n'y connais pour ainsi dire rien. Et puis j'ai toujours détesté courir.

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Mais force est de constater que ça parle à tout un tas de monde.

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De la même manière que plein de gens aiment les moules marinières et le free jazz alors que moi

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pas. Après tout, ça se discute pas, je respecte. Oui,

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je suis d'accord. Et en même temps, j'ai l'impression qu'il y a aussi eu un effet quand même de

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mode et un effet, pas de mode, mais un effet de société où tout le monde court.

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C'est-à-dire que je pense qu'on est l'exception,

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bientôt Laetitia, à ne pas courir beaucoup. Moi,

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à mon bureau, ils ont tous moins de 30 ans et ils sont tous mis à courir.

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alors eux ils font encore pour l'instant des courtes distances rapides mais là ils ont commencé leur premier trail j'ai un

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collègue en partant qui m'a dit tu me feras écouter le podcast parce que moi dans quelques années je cours la diagonale

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donc il y a aussi ce truc sociétal sociétal quand même c'est en train de devenir assez commun finalement peut-être que aussi

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tu as moins de sens dans ton tu mets moins de sens dans ton travail ou en tout cas tu t'accomplis moins sur des choses type

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acheter ou même capitalistique peut-être tu dis moi j'ai acheté ma maison voilà c'était ce que je voulais faire je me suis

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tué la réussite sociale voilà il a été pendant longtemps et c'est peut-être que ça peut passer un peu plus pour ça aujourd'hui mais

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pourquoi la course pourrait être autre chose tu vois ça pourrait s'exprimer dans plein de milieux différents dans l'art Ou

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même dans le sport,

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autrement qu'en course. Parce que justement, tout le monde peut se mettre à courir,

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tu vois. Tu pars avec tes baskets et tu commences à courir,

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quoi. Ça va, Soazic, c'est bon, j'ai dit je respecte.

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Je me suis donc mise à lire, écouter, regarder des trucs.

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Et il y a plein d'experts, sportifs et non sportifs,

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qui parlent très bien de la course à pied, et surtout mieux que moi.

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Le plaisir du dépassement de soi, l'accomplissement dans l'effort,

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l'aspect sociétal du phénomène, coucou Soazic. Donc je ne vais pas m'étendre sur le sujet.

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Mais je vous livre quand même l'analyse de notre pote Nico,

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enfin pardon, je veux dire, professeur Nicolas Reyna,

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chirurgien orthopédiste au CHU de Toulouse, parce que sa vision est très intéressante et qu'elle

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l'est d'autant plus, enfin je trouve, qu'il connaît un peu Loïc.

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Oui, tout à fait. Mais c'est pour ça que, en fait,

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sur un côté pote, tu dis, c'est génial que mes copains,

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parce que ce n'est pas le seul, se mettent à faire ça plutôt que de rien faire.

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Il vaut mieux faire ça que se mettre à boire des cocktails et à faire n'importe quoi.

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Ce qui est intéressant dans le cas de Louis, c'est qu'il fait les deux,

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et ça posera aussi des questions, on le commentera après sur le plan médical,

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mais c'est le côté un peu « je brûle la vie par les deux bouts » qui est assez fascinant,

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parce qu'il arrive à le faire. Moi, sur le plan humain,

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ou en tout cas grand pote, on va dire, c'est vrai que je trouve ça admirable.

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Mais parce que moi, ça n'a pas d'impact sur la relation que je peux avoir avec lui et ma des

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copains comme ça, qui font beaucoup de triathlons,

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ils ne sont plus aux soirées, ils ne font plus rien en fait.

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Et que les choses tournent autour de ça. Mais je crois qu'on ne s'est pas vu une fois sans qu'on

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parle de ça. Mais c'est ok. Mais ça rejoint un autre pan qui est le côté médical qui est pourquoi

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ils en parlent. Il y a la fierté de le faire, le fait d'avoir un sujet,

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le fait que ça étonne les autres, etc. Mais il y a quand même le sujet principal qui est

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l'addiction sport. Enfin, ça, non, ça s'appelle la bigorexie,

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c'est une maladie. La bigorexie. Vous connaissiez-vous ?

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Moi, pas. Enfin, pas le terme, du moins. Et je dois dire que j'aurais pu arrêter la conversation

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là, parce que quand Nico a prononcé ce mot, ça a fait tilt dans ma tête.

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Mais il était tellement intéressant que je l'ai laissé continuer.

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Alors oui, c'est un peu long, mais vous allez voir,

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à la fin, ça retombe sur Loïc. Mais c'est une maladie qui n'est pas très grave.

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Et le problème, le biais d'analyse de beaucoup, et moi,

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j'ai plein de médecins du sport autour de moi, c'est qu'ils en pratiquent eux aussi.

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Et comme ils pratiquent, ils sont tous biaisés et tu as plein d'experts qui vont te dire « c'est

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forcément génial, c'est trop cool ». Toutes les études disent que c'est bien de faire du sport.

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Mais toutes les études disent aussi que le sport,

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même pas outrance, abîme le cartilage, abîme les articulations,

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état de décade. Alors, je n'ai aucune autorité pour parler de ça sur le plan cardiologique,

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mais les hypertrophies cardiaques sont des choses,

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des pathologies qui ne sont pas nouvelles, mais qui sont en augmentation et des gens qui pratiquent du sport en outrance

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et qui ont des problèmes de cet ordre là alors moi je le vois sur le plan encore tôt je vois le fait que les gens s'habillent les

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articulations on opère les gens de prothèses ou de traumatismes de plus en plus fréquemment et on traite beaucoup le nombre

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de copains de copines qui ont des irm je rajouterai ouvrez les parenthèses,

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payez par la sécurité sociale fermez la parenthèse parce que dans la préparation de sport,

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de triathlon de trail, on a des inflammations à droite à gauche,

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se font mal, doivent se faire infiltrer, etc. C'est une légion et là pour le coup c'est que de la pathologie musculosquelettique

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qui a été créée et c'est d'autant plus difficile d'avoir un avis que le seuil est introuvable pour ces dernières des règles

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alors que c'est une forcément individuelle. C'est ce que j'allais dire moi Loïc me fascine parce qu'il arrive à mêler tout

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de front à aller faire la fête le soir et le lendemain à courir même si moi je pense que c'est pas bon force est de constater

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qu'il va très bien et que tout se passe bien donc pour lui ça va mais t'aurais plein de gens qui feraient ça qui auraient

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eu un problème mais est-ce qu'il a raison de le faire alors que lui ça va ?

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bah oui mais on connait pas les conséquences long terme et bah en tout cas je te promets que si on doit se changer un genou

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ou une hanche on viendra faire un petit séjour à Toulouse je le souhaite pas Pour en revenir à la

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bigorexie donc, Loïc est-il atteint ? Je dirais oui.

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Yann aussi. Anne-Valérie, j'ai un doute, mais moi certainement pas.

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Ceci dit, étant moi-même victime de comportements excessifs dans d'autres domaines,

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je voyais bien comment ça pouvait s'appliquer à la course.

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Je ne le comprenais pas bien, mais je me mettais à pouvoir l'envisager.

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Enfin,

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c'est pas exactement ça. Bien sûr que je le comprenais,

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je suis pas idiote. mais je le comprenais intellectuellement et ça ne me suffisait pas Vous me

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voyez arriver ou pas ? J'ai eu besoin de le comprendre physiquement besoin de comprendre dans ma chair ce que Loïc vivait

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et pourquoi il voulait le vivre raison pour laquelle je me suis pliée parce que je le voulais bien pas parce qu'on l'exigeait de

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moi à me mettre vraiment à la course à pied tout en râlant,

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spéciale dédicace à celles et ceux qui m'ont subi tout en galérant,

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spéciale dédicace c'est les mêmes à celles et ceux qui m'ont traîné mais je m'y suis mise Et de fil

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en aiguille, c'est une trop longue histoire pour que je vous la raconte ici,

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mais pour la faire courte, je me suis retrouvée inscrite au Marathon de Paris.

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Ça a commencé par une blague qui a fini par devenir réalité,

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réalité dans laquelle je me suis retrouvée empêtrée,

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un peu parce que je ne fais pas que sucer des glaçons en soirée,

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un peu parce que ça avait l'air d'enthousiasmer tout le monde,

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et aussi parce que ça tomberait le jour de mon anniversaire.

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Je me disais, parce que là je suis en train de travailler sur d'autres épisodes,

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t'es quand même un peu la spécialiste des cadeaux à la con.

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Pourquoi tu dis ça ? Parce que je réécoute des extraits,

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et je me rends compte que t'avais fait un cadeau d'anniversaire à Yann de La Diagonale.

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Ah oui ! Et après, mon cadeau d'anniversaire à moi ?

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Ah c'était le marathon ! Ah oui t'as raison putain !

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Ah oui, et je me souviens c'était au PAX de Soisic !

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Ouais ! Oh putain ! Après avoir dessoulé, j'ai un peu regretté d'avoir dit oui.

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Mais en même temps, tout ça a été très cohérent avec ma quête expérimentale de sens.

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Non, je pense que le marathon, je sais pas, mon marathon,

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ce qui vient m'en nourrir, mon envie d'appartenir à mon groupe.

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Mon envie de faire de famille à mon groupe de Loïc,

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Yann Adveneri, tout ça. De faire plaisir à mon mec.

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De tenir un engagement. Est-ce que ça te fait plaisir à toi,

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non ? Tu t'en fous. Allô ? Je ne peux pas dire que ça me fasse plaisir.

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je pense que ça remplit des cases c'est la performance ça me fait pas plaisir de courir je me dis

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pas, tout le monde me dit essaye de profiter du moment ça va être génial,

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essaye de te faire plaisir mais moi ça me fait pas plaisir de courir ce qui me fait plaisir c'est de m'engager aussi pour

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ma belle-sœur à qui ce truc tient à cœur et de le faire avec elle et de nourrir cette relation qu'on a et de nourrir l'histoire sportive

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familiale Mais en soi,

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ça ne me fait pas plaisir. Je suis curieuse de voir si je vais réussir à aller au bout.

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Parce que franchement, si j'y arrive, ce n'est pas que tout le monde peut y arriver,

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mais ça veut dire que même en n'étant pas spécialement motivée et en t'entraînant,

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tu peux le faire. Mais je ne pense pas que je vais vraiment plonger là-dedans.

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C'est donc ainsi que début janvier 2025, je démarrais un entraînement de marathon avec sérieux et

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discipline. Entre temps, mon père s'était mêlé à l'affaire.

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Comme je l'évoquais plus haut, c'est un ancien marathonien.

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il a fait du sport toute sa vie, il est en super forme pour un type de 76 ans et le fait que sa fille fasse un marathon

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est peut-être le seul marathon de sa vie le titillait.

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Et après moult hésitations et questionnements, il a fini par s'inscrire lui aussi,

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ce qui m'engageait de fait encore plus. Et le 13 avril 2025,

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je faisais donc mon marathon. Et encore une fois,

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ceux qui me portaient, c'étaient les autres. Indirectement mon père,

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même si en réalité on n'a pas pu courir ensemble,

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on était chacun trop en galère pour envisager de se caler sur le rythme de l'autre.

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Alors lui a été accompagné par mon fils, qui n'avait pas de dossard,

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trop jeune pour s'inscrire, mais a couru en sous-marin et a littéralement joué les Golden

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Retriever, allant en avant au ravito et revenant en arrière pour nourrir et abreuver son grand-père afin que ce dernier n'ait jamais

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à s'arrêter, au risque de ne plus jamais repartir.

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Et moi, j'ai couru avec Loïc, Yann, Anne-Valérie,

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Christophe, Sophie, qui m'ont suivi, enfin plutôt attendu,

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du début à la fin. Et ils ne m'ont pas lâché. Et pour leur faire honneur,

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moi non plus, je n'ai pas lâché. J'ai mis 5 heures,

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mais je suis allée au bout de ce foutu marathon.

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Tout comme mon père, qui a 75 ans alors, n'a mis qu'une heure de plus que moi.

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Et mon fils, qui a 17 ans seulement, bouclé clandestinement son premier marathon,

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les doigts dans le nez. Et pour mémoire, je fêtais mes 49 ans ce jour-là.

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Joyeux anniversaire, Maman ! Joyeux anniversaire,

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Maman ! Original comme journée d'anniversaire, mais encore une fois,

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si pendant le marathon j'avais adoré l'expérience de cohésion amicalo-familiale et que j'ai aimé passer mon anniversaire

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avec ces gens-là, j'avais détesté l'expérience sportive.

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J'en avais chié dans tous les sens du terme pendant la course,

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crampes et autres réjouissances dont je vous passe les détails.

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Je suis arrivée sur la ligne,

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flinguée. J'ai détesté avoir mal, j'ai détesté la pression de devoir performer à date fixée en même

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temps que tout le monde. J'ai détesté la foule, celle des coureurs et des supporters,

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qui sont pourtant fort sympathiques. J'ai détesté le bruit,

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les cris, les annonces aux speakers, les groupes de musique sur les côtés,

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toute cette ambiance que tout le monde trouve absolument incroyable.

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Misophone ? Oui, un peu. Agoraphobe ? J'assume aussi.

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Misanthrope sur les bords ? Peut-être. Mais surtout,

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et pour le coup sans aucun doute, coursophobes. Mes co-coureurs ont vécu un moment incroyable.

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Ils ont adoré cette course, passé la ligne comme portée.

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Ils étaient sur un nuage. Et moi j'étais plutôt sous le nuage,

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et un nuage gris encore. Ce marathon ne m'aidait toujours pas à comprendre ce que mes proches pouvaient trouver d'intéressant à

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tout ça. Le seul véritable bénéfice de l'affaire,

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c'est que j'y ai gagné mes lettres de noblesse auprès de mon mec.

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Non seulement je lui avais eu un dossard pour la diague,

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mais j'avais réussi à finir ce marathon alors qu'il ne misait pas un copec sur moi au départ.

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Enfin, de ce que j'ai compris. Inutile de vous dire que je n'ai aucune trace de Loïc disant ça tel

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quel au micro. Alors vous allez me dire, j'aurais pu m'arrêter là.

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Sauf que comme je suis un peu obstinée, que je reviens rarement sur mes engagements,

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j'ai suivi mes proches dans une autre course, puisque j'avais encore dit oui dans un moment

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d'ivresse, enfin, je veux dire de faiblesse. Un trail en montagne,

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cette fois. Loïc et Yann s'étaient inscrits à un 55 km parce que Loïc avait besoin d'une course

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validante, comme on les appelle, pour confirmer son inscription à la DIAG 2025.

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Et que Yann, bah, ça l'amusait. « Seulement 55 kilomètres,

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vous allez me dire ? » « Oui, mais avec 3800 mètres de dénivelé positif,

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ce qui équivaut en réalité à 95 kilomètres à plat.

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» « Ah, bon ! » Et nous, leurs femmes, on était inscrites dans la même catégorie,

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pour le fun d'être sur la même ligne de départ qu'eux.

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Mais c'était très clair entre nous. On y allait pour la balade.

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Dans les Dolomites italiennes, ça allait être sublime.

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Et on ferait ce qu'on pourrait, sans se mettre la pression.

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C'est d'ailleurs pour ça que j'avais accepté. Enfin,

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il paraît. Et puis, moi, je suis très claire sur le fait que cette course,

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si je ne la finis pas et que je m'arrête, je m'arrêterai.

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Tu vois, je n'ai pas la même pression. Le marathon,

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je voulais le finir,

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etc. Et surtout, c'est une course pour eux, pour toi éventuellement.

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Et donc, moi, je ne veux pas faire mon boulet. Et ce n'est pas possible qu'on ait à m'attendre,

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etc. Si je n'y arrive pas, je me démerderais, je ferais du stop,

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je rentrerais, j'en sais rien. L'enjeu, de toute façon,

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c'est que Yann et Loïc... Oui, la calife. Déjà, moi,

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j'ai dit à Yann, tu t'occuperas absolument pas de moi.

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Avec Laetitia, on va faire notre vie. Et moi, c'est l'endroit qui me paraît tellement joli,

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j'ai tellement envie d'aller me balader, à la rigueur,

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avec un chemin tracé, qu'on fera ce qu'on pourra faire.

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Oui, mais je n'ai pas du tout la même pression. Non,

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ça me rassure. Sauf que, hasard ou acte manqué, une semaine après le marathon,

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je me foulais la cheville en me levant d'une chaise.

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Si, si, je vous assure. Je n'ai donc pas pu m'entraîner comme il faut,

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mais comme j'étais de toute façon moyen motivée,

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ça m'arrangeait. Sans surprise, le trail des Dolomites ne s'est pas très bien passé pour moi.

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Et ça a commencé avant même de partir. La veille du jour J,

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je me suis retrouvée malgré moi avec une pression de malade.

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Alors que j'avais accepté de m'inscrire à ce trail,

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justement parce qu'on s'était dit pas de pression.

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Encore aujourd'hui, j'ai du mal à m'expliquer pourquoi.

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Toujours est-il que c'est monté d'un coup. Le fait d'avoir vu la taille de la montagne aggraver en

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passant devant en voiture, le retrait des dossards,

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la préparation du matériel, le repérage du parcours sur la carte,

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le réglage du réveil à 3h du matin. J'étais pas bien.

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Bon, on est la veille de la course et je suis quand même un peu prise par le stress.

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j'ai du mal à garder ma bonne humeur je suis un peu silencieuse avec les autres mais je sais pas j'ai la boule au ventre

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je me dis qu'en fait je suis totalement inconsciente je suis pas du tout préparé pour faire ce genre de choses je sais pas

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pourquoi je les suis je sais pas pourquoi j'ai Dis-oui.

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j'ai peur de me faire mal je sais pas j'avais dit que je me mettrais pas la pression et puis je sais pas j'ai quand même

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le stress je sais pas si c'est parce que j'ai pas envie d'être nullissime une espèce de pensée magique où tu te dis que

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en fait peut-être tu vas y arriver mais je suis pas dans un bon état d'esprit là faudrait que je Je suis déterminée comme

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pour le marathon, mais là, je n'y suis pas. Ça fait chier.

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Et une fois dans la course, je n'étais pas mieux.

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J'étais mal équipée, mal préparée. Puis j'avais mal à la cheville,

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vraiment mal à la cheville.

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Du coup, j'étais encore plus lente que d'habitude.

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Anne-Valérie devait sans cesse m'attendre. Encore plus que d'habitude,

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je veux dire. Ce qui ne faisait que redoubler mon stress parce qu'en plus d'être à la ramasse,

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moi, je la retardais, elle. Les garçons, on n'en parle pas,

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ils étaient loin devant, mais ça, c'était normal.

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Résultat, je me suis arrêtée au bout de 20 kilomètres.

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Un peu pour qu'Anne-Valérie puisse continuer librement et avoir une chance de finir dans les temps.

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Surtout parce que je sentais que j'arrivais à mes limites physiques.

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Et ça m'a complètement flinguée le moral. J'ai chéri en arrivant.

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Enfin, quand je me suis retenue devant Anne-Valérie parce que je voulais qu'elle reparte et qu'elle ne se pose pas de questions

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sur moi. quand elle est partie. C'est toujours frustrant de ne pas aller au bout.

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Moi, encore plus sur la viande. Mais après, c'est à la muraille,

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tu vas te dire. Mais ce que j'ai fait, c'est impressionnant.

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C'est beaucoup. Ça t'a permis de voir ce que c'était que ces espèces de montagnes.

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J'ai fait quoi ? J'ai fait 1000 de dénivelé positif ?

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1000 ou 1200. Il y en a beaucoup, hein. Tu as vraiment plus de dix fois mon marque.

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J'ai du mal à expliquer, en fait, ce que ça m'a fait,

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vraiment. J'ai quand même compris. Tu as fait un marathon,

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cette année. Tu as fait un morceau de trail, violent,

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extreme. Loïc a raison. 20 kilomètres sur ce genre de trail dit extrême,

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c'est déjà énorme, surtout pour moi. Mais je voyais la performance des garçons et de ma belle-sœur,

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qui a été au bout des 55 kilomètres, elle est toute seule en plus,

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et aussi absurde que ça puisse paraître, ce qui était objectivement un réel exploit pour moi,

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m'apparaissait au regard de tout ça comme une contre-performance.

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En fait, je crois que contrairement à vous, Vous vous poussez dans vos limites pour arriver à un

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truc, ça vous fait du bien. Et moi, ça me montre mes limites et ça me reconfronte à de l'échec et

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ça me fait du mal. Mais bon, quelque part, j'ai été au bout de l'expérience physique dans laquelle

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je m'étais lancée. J'ai traversé ce que mes coureurs traversent quand ils font ce genre de course.

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Simplement, je ne l'ai pas vécu comme eux. J'avais mesuré le type d'efforts qu'ils fournissent.

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J'avais aussi, comme Loïc Lordeladiag, senti le goût de l'échec,

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même si tout le monde salue ta performance. Simplement,

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je détestais l'expérience de tout ça autant que mes coureurs l'adoraient.

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Et finalement,

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cet événement, au lieu de me rapprocher d'eux, j'avais le sentiment que ça creusait le fossé entre

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nous. Voilà, je suis entrée à Paris, là, du trail de malade,

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là. Je redescends un petit peu, je reprends mes esprits.

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Et je crois que j'enregistre un truc spontanément,

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justement pour que ce soit un peu spontané et que je me souvienne de cette sorte de confusion dans

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laquelle je me trouve. Parce que je ne sais pas pourquoi,

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je suis paumée par rapport à ce truc. Je n'ai jamais prétendu être une traileuse,

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je n'ai jamais prétendu que j'allais réussir cette course.

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Je n'imaginais pas une seule seconde y arriver, ne serait-ce qu'un petit peu avant.

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Et je n'arrive toujours pas vraiment à comprendre pourquoi ça m'a ébranlée à ce point,

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que ça m'a anéantie comme ça. Sous-titrage FR ? Je sais pas,

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peut-être que j'imaginais que j'allais avoir une épiphanie.

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Que je me disais que d'un coup, j'allais comprendre ce qu'ils faisaient.

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Et en fait, je comprends pas. Et puis... Je suis vraiment...

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Moi, j'ai l'impression d'être... En fait, c'est moi qui suis devenue l'extraterrestre.

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Au départ, j'ai quand même l'impression que c'est plutôt eux,

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mais... Finalement, tout ça est tellement normal pour eux que c'est ceux qui le font pas qui

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semblent anormaux. J'ai l'impression de perdre pied entre eux.

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Je serais confus. Je sais plus où j'en suis. Oh la vache,

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quand j'entends ma voix, ça fait tout drôle. J'étais vraiment au fond du trou ce jour-là.

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Mais je vous rassure, j'ai rebondi. Comment ? Vous le saurez au prochain épisode.

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La diagonale des autres. Un documentaire pensé, écrit et incarné par Laetitia Lantieri.

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Co-produit par Octopus Productions. À la réalisation,

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Laetitia Lantieri. À la co-réalisation et au son,

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Alexandre Roussin. Musique originale, Alexandre Roussin.