Qu'est-ce que vous avez fait là ? C'est un petit test pour ?
Pour la viagre ? Il faut que tu apprennes à le faire.
Alors, il y a de la mayonnaise chez toi qui va le faire.
Il faut que tu la fasses la veille. Ouais. Ça sera une énorme marmite de mayonnaise.
Dans le sac de Rabito, tout le monde est là. Vous avez les électrolytes ?
Vous avez la mayonnaise ? Et nous, c'est la table avec le kit.
Et la mayonnaise. Donc, je ne sais pas si vous avez remarqué,
ma nouvelle problématique, c'est que mon micro ne prend plus la charge.
Il va me falloir une très, très grande rallonge.
Non, non, une rallonge. Ça, c'était un petit repas en famille,
histoire de marquer le coup. Cette fois, c'était sûr.
La Diagonale des Fous s'était repartie pour un tour.
La Diagonale des Autres, épisode 3 Arrivé mi-avril,
je n'avais peut-être plus de micro digne de ce nom,
mais on avait les dossards, on avait les billets d'avion,
on avait un logement, et on était tous contents,
contents, contents. Même moi, ce qui est complètement dingue.
Enfin, paradoxal. Le plus content de tous, c'était Loïc,
mon chéri. Rétrospectivement, je me rends compte qu'il a passé trois mois en apnée,
dans le stress quasi permanent de ne pas réussir à avoir de dossards.
Mais maintenant que c'était fait, c'était un nouvel homme.
Détendu, souriant, et reconnaissant, très reconnaissant,
et même touché de ce que les autres ont mis en œuvre,
particulièrement de ce que j'ai mis en œuvre pour lui.
C'est sûrement ce qui me mettait en joie, d'ailleurs.
Je verrais Loïc, il dort avec sa petite carte en relief sur sa table de nuit.
T'as vu Yann ce matin ? Il la regarde. Il a pris le train,
sa carte d'image, il a posté un truc. Je n'ai pas regardé encore,
mais j'ai vu le sujet. On a vu pas mal de gens différents.
Donc, il a re-raconté plusieurs fois le truc et à chaque fois,
il a les larmes dans les yeux. Mais Yann, c'est pareil.
Et pour autant, notre euphorie se teintait d'une forme d'inquiétude.
Non, mais je pense qu'il faut qu'il se donne les moyens de réussir,
mais bon, il ne faut pas que ça devienne non plus des assettes qui ne font plus rien.
moi je me dis non pas à ce point là mais mais moi d'un autre côté ce que je disais ce que j'ai dit à Loïc c'est moi tu ne
me dois qu'une chose tu ne me dois pas de finir tu ne me dois pas j'en ai rien à foutre ce que tu me dois c'est qu'il ne
se passe pas la même chose que la dernière fois que tu rentres vivant et que tu rentres sans être fait mal ou atteint pour
de bon donc oui ça veut dire le faire sérieusement se préparer comprendre Pourquoi t'as eu ça la
dernière fois ?
Comment ne pas réitérer ? C'est le seul truc que je demande en échange.
Mais pour que vous compreniez nos inquiétudes et pourquoi cette diagonale compte autant pour nous,
il faut que je vous fasse un peu plus entrer dans les coulisses.
De toute façon, ça fait deux épisodes que je recule pour mieux sauter,
mais là, je crois que je ne peux plus y couper. Il faut que je vous raconte notre aventure de
l'année dernière. D'autant que maintenant, c'est bon,
vous êtes dans le bain. Vous savez ce que c'est que la diague,
vous connaissez un peu ma famille, les fous et les pas fous,
enfin mes coureurs et mes co-accompagnants vous commencez à comprendre la personnalité de chacun et la dynamique de notre
groupe et puis si vous avez des trous dans la raquette vous pouvez toujours réécouter les épisodes 1 et 2 Quand Loïc et
Yann ont annoncé qu'ils voulaient faire cette course pour la première fois,
personne, pas même eux, n'a mesuré l'ampleur de l'investissement que ça allait nous demander.
Je n'ai clairement pas pris la mesure de ce que ça voulait dire.
Il me paraissait évident que ça allait être toute une aventure pour eux,
coureurs, mais je n'avais pas perçu quelle aventure ça allait être pour nous,
accompagnateurs. Nous, leurs femmes, leurs enfants,
leurs parents, leurs amis, sur place ou à distance,
avant, pendant et même après la course. J'ai dit OK spontanément,
d'autant que je n'étais jamais allée à la Réunion.
Mais en réalité, je n'avais pas la moindre idée de ce que ça allait impliquer,
puisque, je vous le rappelle, Loïc, mon conjoint,
n'avait fait que peu de courses avant celle-ci. Il n'avait à son actif que deux marathons et deux
trails, qui étaient en réalité déjà des ultra-trails.
Pour ces marathons, mon intervention et celle des enfants s'étaient limitées à crier « Vas-y Loïc !
» sur le bord de la route. Pour son premier trail,
on ne l'avait pas accompagné parce que c'était un peu loin et puis de toute façon je n'étais pas
dispo, donc c'est un événement qui est resté très flou pour moi.
Quant à son deuxième trail, pour le coup, on y est allé en famille en se disant que ça nous ferait à nous aussi un entraînement
pour la Diag. Et attendez, assistant vocal sportif,
c'est quoi l'ultramarin ? L'ultramarin est une course autour du golfe du Morbihan avec différents
formats de distance, mais l'épreuve phare, magnifique le jeu de mots,
c'est un trail de 164 kilomètres Bon Loïc et Yann ont fait le 100 kilomètres mais quand même,
ce n'est pas rien et c'était une expérience intéressante pour nous entraîner tous à celle de la
Diag Pour cet ultra-trail, on était déjà dans une configuration où Yann et Loïc avaient prévu de
courir côte à côte. Yann, accompagné par sa femme Anne-Valérie,
Loïc par nos enfants et moi. Dès le début de la course,
mon fils épaulait efficacement ma belle-sœur qui,
elle, était déjà aguerrie à ce genre de mission.
Mais toi, ça ne t'avait pas paru difficile comme...
De quoi t'accompagner ? Ouais. Ah non, c'était même sympa,
c'était beau, on allait de petits endroits en petits endroits.
Non, non, c'était chouette. Ici la nuit avec mon ange on a eu très froid.
On a eu très très froid. On est de l'omique dans la forêt.
Mais le reste, pour toi, c'était facile, quoi. C'était sympa d'être à la grange.
Non, c'était pas compliqué parce qu'en fait, il n'y avait pas d'endroits inaccessibles.
Et puis, on faisait tous les petits villages de Bretagne.
Non, c'était vraiment chouette. Du fait d'une contrainte à Paris,
ma fille et moi sommes arrivées toutes les deux en cours de route.
Enfin, en cours de course. Et il faut bien l'avouer,
un peu en mode touriste. Bon, pour le dire plus franchement,
on a trouvé ça carrément violent. Non. Pas de souvenirs négatifs.
Oui, bah, c'est exactement ce que je viens de dire.
Ça a été dur pour Maë et moi. Bah, je m'attendais pas à ce...
Enfin, moi, on m'a dit, ouais, viens à la course de papa et tout,
on va l'accompagner. Moi, je pensais qu'on allait juste le croiser et qu'il n'y avait rien à faire,
quoi. Comme au marathon. Ouais, voilà. Bah, moi, j'avoue que j'étais pas très préparée non plus.
Mais c'est pour ça que je pense que ça a été aussi violent.
D'abord, on n'était pas équipés. Je pense qu'on n'était pas habillés comme il fallait.
Et il y a un moment, on est allés dans un bar ou je sais pas quoi,
là, pour... Oui, mais c'était tellement tard qu'en fait,
tout le restaurant était fermé. Personne ne voulait nous servir.
Si, il y a un gars qui nous a donné du saucisson.
Oui, parce qu'ils étaient sympas. Il a rouvert la cuisine,
il est allé chercher des trucs froids, mais c'était...
Et après, tu te rappelles comment... On était tellement au bout de notre vie.
Tu te rappelles comment on a dormi pour les attendre ?
On était dans un parking. C'était horrible. Quand on passait,
il y avait la lumière qui s'allumait. On dormait dans la voiture avec des cartons.
On s'était mis des cartons sur la tête.
Je crois que j'ai encore les photos. C'était trop drôle.
Quand les passants arrivaient, ça déclenchait. En sortant de l'ultramarin,
j'étais complètement décontenancée. Je me souviens que tu étais très épuisée pendant l'ultramarin parce que je pense que
tu avais eu une crise d'appendicite 15 jours avant.
Alors c'est très gentil de la part de tout le monde de vouloir me trouver des excuses mais la vérité c'est qu'appendicite ou
pas j'ai eu l'impression de n'avoir rien compris rien suivi,
d'avoir été un poids alors que j'étais justement censée alléger la tâche des coureurs et des autres accompagnateurs A posteriori
j'ai réalisé, pour résumer que j'avais moi-même été accompagnée par les autres accompagnateurs et ça ne me plaisait pas
du tout Il était hors de question que ça recommence lors de la diagonale Néanmoins,
cette Diagonale Avenir allait être une première,
pas seulement pour moi, mais pour nous tous. Personne d'entre nous ne l'avait jamais affrontée,
ni coureur, ni accompagnateur. Et en réalité, rien ne nous y avait vraiment préparé.
Pas l'ultramarin, ni les autres courses que ma belle-sœur avait accompagnées dans le passé.
Pas les reportages que nous avions regardés et écoutés.
Pas non plus les témoignages des pros, ni les retours d'expérience des amis et amies d'amis.
Et à vrai dire, je crois qu'il est très difficile de comprendre ce qu'on traverse pendant ce genre
de course, à moins de l'avoir vécu. Oui, ça a l'air assez dingue.
Je pense qu'on ne peut pas comprendre, en fait. Ceux qui l'ont vécu à l'extérieur peuvent
comprendre. Heureusement, l'équipe au départ de Paris était solidement soudée.
Je vous refais l'organigramme par famille, ce sera plus simple.
Coureur numéro 1, Loïc, 53 ans, avec pour l'accompagner nos enfants,
Ange, 16 ans, Maë, 13 ans, et moi, Laetitia, 48 ans.
Coureur numéro 2, Yann, 52 ans, avec pour l'accompagner sa femme,
Anne-Valérie, 52 ans aussi, et une de leurs filles,
Solène, 26 ans. Coureur numéro 3, Christophe, le frère d'Anne-Valérie,
50 ans, avec pour l'accompagner sa femme Sophie,
49 ans. Vous entendrez moins parler d'eux parce qu'ils n'étaient pas au même rythme que nous et qu'on a passé moins de temps
ensemble, mais je vous les présente quand même parce qu'ils sont importants pour nous.
On a pris l'avion, on a pris nos voitures de location,
on s'est installé dans notre premier Airbnb, on est allé chercher les dossards la veille du départ,
on a mangé des pâtes, préparé les sacs, peaufiné l'organisation,
et on se sentait prêt. Coureurs comme accompagnateurs.
Même si chacun avait sa propre technique. Par exemple,
Christophe, le frère de ma belle-sœur, avait préparé un ziploc étiqueté pour chacune des étapes,
avec un change à l'intérieur. On n'a pas dit que c'était débile.
C'est débile, on l'admire. Donc, cri-cri départ.
Tu as fait Cri Départ, Cri Cri Marabout, Cri Cri Syllaos,
Cri Cri Maïdo et Cri Cri Ilé Savana. Et j'ai rajouté au cas où,
Cri Cri Plus Chaud et j'ai rajouté Cri Cri Pourquoi ?
Cri Cri Un Oui. Ça, c'est ma première nuit. Tu vois,
j'ai quand même pris mes affaires les plus chaudes pour la première nuit.
Donc, on a un peu deux salles, deux ambiances. Loïc,
t'as fait quoi, toi ? Tout en braque dans un sac,
c'est ça ? Ah non, ça, c'est un peu normal. Moi,
c'est pas pour rien. Et je t'ai dit une grosse bêtise.
Je t'ai oublié entre Syllaus et le Maïdo, il y a Marla.
Ok, d'accord. On voit ceux qui sont préparés. Il était plus ou moins entendu que Christophe,
pas seulement plus organisé, mais aussi plus rapide que Yann et Loïc,
tracerait sûrement sa route. Mais les deux frères étaient soudés dans toute l'acceptation du terme,
décidés à ne pas se lâcher quoi qu'il advienne, quitte à devoir s'attendre l'un l'autre.
Ce qui est rarement le cas, puisqu'ils courent vraiment au même rythme.
C'est assez hallucinant d'ailleurs. Mais de toute façon,
peu importe, ils avaient choisi de faire cette course ensemble et ils iraient jusqu'au bout,
ensemble. Quant à nous, accompagnateurs, on avait prévu de rejoindre nos coureurs à 6 différents
points de ravitaillement. Pas plus, sinon ça faisait trop de route et on aurait risqué de les rater
à certaines étapes. La dite route serait longue et compliquée.
On savait que les GPS et même les téléphones ne marcheraient peut-être pas tout le temps.
Mais on avait des plans papiers gribouillés de partout.
Et comme on circulait à plusieurs voitures, on avait repéré les lieux et horaires estimés de rendez-vous tout en réglant
nos montres, tels des espions de feuilleton télé des années 80.
Côté matos, on n'avait pas lésiné. On avait 12 mines glaciaires avec du sucré,
des compotes, des fruits, des barres de céréales,
mais aussi des sandwiches, parce que quand même,
le salé c'est mieux, et différents sandwiches, parce que chaque coureur avait ses préférences.
On avait des packs congélation pour garder l'eau et les périssables bien frais.
On avait des gourdes, bien sûr, plein de gourdes,
qu'on avait prévu de remplir avec des packs d'eau de 5 ou 10 litres au fil du chemin,
pour les coureurs et pour nous. Gourdes qu'on avait soigneusement marquées pour éviter de mélanger
nos microbes. On avait bien sûr aussi des chargeurs,
des batteries et des piles d'heure-change pour les téléphones,
frontales, casques audios, des médicaments en tout genre,
des électrolytes, des produits réhydratants, des gels,
etc. Et tout était soigneusement rangé dans des sacs,
eux-mêmes bien qu'elle est comme il faut, dans les coffres des voitures.
Chacun avait une mission prévue au ravitaillement.
Tu sais, chacun avait une mission. Oui, moi c'était l'électronique.
Et les autres, tu te souviens ? Non, les autres,
je ne me souviens pas. Moi, je me souviens pour mon père,
et c'était plus une question de remettre son sac que remettre plein de trucs dans son sac,
c'est-à-dire la bouffe, que tout soit bien mis dedans.
Ma mère, elle nourrissait mon père, mais par contre,
je ne me souviens pas avoir fait des trucs pour Loïc.
Donc, je crois que j'avais des objectifs pour mon père,
mais qui sont, genre, flous. Mais je me souviens avoir massé ses pieds,
quand même. Moi, je crois que c'était l'eau et la bouffe,
mais je ne sais plus. Bon, comme vous pouvez le constater,
personne ne se souvient vraiment de sa mission. et en réalité,
une fois sur le terrain, on a un peu tous tout fait,
pour une raison très simple. Nous étions motivés,
organisés, déterminés, certes, mais nous n'avions pas imaginé une seule seconde,
mais alors vraiment pas une seule seconde, qu'en moins de 24 heures,
nous allions être rappelés aussi brutalement à notre condition d'être humain primaire en mode
survie. Que le manque de sommeil et le stress nous empêcheraient de fonctionner,
réfléchir et agir correctement. Que nous allions rire,
pleurer, nous engueuler, re-rir, tour à tour et parfois tout ça en même temps.
Et surtout, que nous allions aussi facilement faire fi de tout ce qui faisait de nous des êtres
civilisés, jetant le matos en vrac dans les bagnoles pour ne plus rien retrouver d'une étape à
l'autre, buvant dans des bouteilles cheloues dont on ne savait plus trop à qui elles étaient ni
même si elles étaient à nous, trouvant le sandwich jambon-fromage-formie tiède absolument
délicieux, récupérant les restes de chips écrasés à même le sol des parkings et oubliant toute
pudeur,
parce que quand il faut changer un tampax, le fourré juste là peut paradoxalement devenir la meilleure solution et que quand
t'as envie de pisser, bah, t'as envie de pisser.
Non mais là, tout le monde va me voir ? Mais non !
Personne te voit justement, c'est ça la beauté. C'est ça le truc.
Quoique le mec en camion qui arrive au-dessus, il est peut-être...
Oui, on dirait. Allez, tu tiens la poignée et tu pars en arrière.
Tu te suspends. Je suis derrière ? Surtout, tu pisses dans l'herbe,
pas sur le bitume, il faut viser l'herbe. Au départ,
je voulais vous raconter nos six ravitaillements étape par étape Et puis je me suis rendu compte que c'était très long Et
que si c'était certainement cathartique pour moi Ça ferait aussi doublon avec les épisodes à venir Où je vous raconterai
la Diag 2025 d'ici quelques semaines Donc, j'ai décidé de condenser Ceux qui me connaissent apprécieront la performance
Sur la ligne de départ, le jeudi soir vers 22h On était tous stressés Mais comme je vous l'ai déjà
dit, on se sentait collectivement prêts Et c'était l'euphorie Et même si nous,
accompagnateurs, on ne courait pas, je peux vous dire qu'on en a parcouru de la distance.
On en a traversé des paysages et on s'en est mis plein les yeux.
Il y a eu le ravitaillement à Marabout, dans un champ digne des plus beaux paysages de Normandie,
au pied du Piton des Neiges, avec un lever du jour splendide,
la température était douce, on avait des voisins charmants.
Oui, parce qu'une des choses positives à retenir de cette aventure,
c'est la solidarité entre les gens. Et puis l'ambiance.
Pas la peine de faire un blabla. Allez ! Il faut que tu chantes et puis il faut que tu danses.
Allez, allez, allez ! On va vivre cette musique-là.
Allez, qu'est-ce qu'il y a ? Allez ! Allez, j'ai l'air !
Allez ! Allez, allez, allez ! Ça a été hyper galère de repartir de Marabout bout,
parce qu'il n'y avait qu'une petite route de campagne littéralement prise d'assaut par les voitures
des accompagnants, et qu'en plus il pleuvait, mais bon.
C'était le premier ravitaillement, et on était encore à peu près frais.
Oh ! C'est trop beau là, regardez ! Il y a eu le ravitaillement au quasi-sommet du Maïdo aussi,
avec un paysage montagneux à couper le souffle, qui se voilait des voilets au gré des nuages que
nous surplombions. Là encore, une vraie galère pour y accéder,
avec un parking tout en bas, une navette aux horaires aléatoires mais qui ne faisait de toute façon que la moitié du chemin
pour monter,
une grimpette de 45 minutes avec les glacières, les sacs de couchage,
les matelas gonflables sur le dos, et une Solène qui ne pouvait rien porter et à peine se porter
elle-même parce que, de stress pour son papa, elle s'était bloquée le dos.
J'ai jamais autant rêvé d'un verre d'eau, d'un verre de quoi ?
Un verre d'eau, eau ! Bon on est arrivés, putain faut pas tomber hein,
ouais on a dû remarcher un petit peu après la navette mais on est arrivés au Ravito,
on va s'installer pour les attendre. Et là ils sont là dedans,
quelque part en train de courir. Là-dedans, nous,
on s'installe là. On a attendu, encore attendu. On les guette.
Ils vont arriver par là. On attend. Sainte-Valérie,
tu guettes ? Ouais. On guette. Et enfin, ils sont arrivés.
Bon, ça y est, ils sont arrivés. Je chuchote pour pas les réveiller.
Les conditions sont plus agréables qu'hier pour dormir.
C'est brumeux, mais il fait bon. Donc on laisse dormir encore un petit peu.
Et ils vont repartir, ils sont dans l'étoile. Il y a eu les savanas,
un ravitaillement de nuit. Je n'avais pas vu de ciel étoilé comme ça depuis des années.
Il y avait des gens qui jouaient de la musique, d'autres qui faisaient carrément griller les
saucisses. À un moment, il y a même eu un mini-feu d'artifice amateur.
La preuve ? On se serait presque cru en vacances.
Enfin, en réalité, on était en vacances. Mais à ce moment-là,
on se sentait en vacances de nos vacances, et surtout en vacances de nos obligations.
Même si on a eu beaucoup de mal à trouver ce lieu tout à fait charmant,
mais tout à fait paumé aussi, qu'on s'est garé sur un parking slash terrain vague,
qu'on a dû de nouveau trimballer toutes les affaires en traversant le dit terrain vague,
un pierrier, une petite rivière, tout ça à la lumière de nos téléphones,
puisque je le redis, il faisait nuit noire et que non,
on n'avait pas de frontal, mais on en aura la prochaine fois.
Bon là, on est à Ile-et-Savanna. On va aller révétailler,
on ne sait pas trop où. On a la pêche. Il paraît qu'on longe une rivière et qu'après il faut qu'on
traverse une rivière, mais qu'il y a des gros galettes pour la traverser,
donc on croise les doigts. Ça me faisait penser à l'Iora qui se casse la gueule.
En tout cas, une fois posée, c'était vraiment magique.
Mais il y a aussi eu des étapes comme Sillaos, où on s'était greffé au ravitaillement officiel installé dans le stade de
la ville et qui dit ville dit rue et réglementations strictes,
notamment de stationnement.
Là, on n'a pas attendu nos coureurs plus de 3 heures,
versus 4, 5, parfois 6 heures à d'autres ravitaillements.
Mais ça nous a paru interminable, notamment parce qu'on était garés loin de notre point de
rendez-vous. Dès qu'on avait besoin d'un truc, il fallait faire des allers-retours.
Et puis la météo n'arrêtait pas de changer. Un coup trop chaude,
un coup trop mouillé. En plus, quand les coureurs sont arrivés,
on a pris notre première vraie claque. On était contents parce que Yann et Loïc étaient toujours
ensemble, mais si jusqu'ici on ne s'était pas encore trop inquiétés en les récupérant,
là ils étaient cadavériques et ils marchaient comme des petits vieux.
Ils ont mangeouillé, dormi assez quoi, vingt minutes sur le bord d'une route,
frôlé par les bagnoles et bâché sous ce qui avait commencé par être notre nappe de pique-nique,
une jolie petite nappe plastifiée à carreaux bleus,
désormais complètement dégueulasse, elle-même remplacée par des cartons,
où on avait installé deux matelas gonflables le long d'un mur délabré.
D'étape en étape, l'état de Loïc et Yann s'est dégradé.
Ils parlaient peu, vidaient par les forts, ils s'exprimaient à l'économie,
boire, sandwich, dormir. Et quand on avait la chance qu'ils en disent un peu plus,
c'était pour nous partager des trucs bizarres. Leurs douleurs improbables,
leurs hallucinations respectives. On essayait de faire des blagues,
comme toujours, mais les rires étaient tendus. La course était loin,
très loin d'être finie. Et personne n'osait le dire comme ça,
mais on se demandait comment allait se passer la suite.
Malheureusement, on avait raison de s'inquiéter.
Mais je vous raconterai ça au prochain épisode. La Diagonale des Autres.
Un documentaire pensé, écrit et incarné par Laetitia Lantieri.
Co-produit par Octopus Productions. À la réalisation,
Laetitia Lantieri. À la co-réalisation et au son,
Alexandre Roussin. Musique originale, Alexandre Roussin.
Sous-titrage ST'501 Sous-titrage ST'501